Anhydride sulfureux : composant naturel de la fermentation du vin

Publié le : 24/07/2023 17:47:54
Catégories : General

Anhydride sulfureux : composant naturel de la fermentation du vin

Non, les vins sans sulfite, ça n’existe pas. Et pour cause : c’est lors de la fermentation alcoolique qu’apparaît le composé chimique appelé anhydride sulfureux (SO2 ou dioxyde de soufre). La présence des sulfites est donc issue d’un processus naturelC’est ensuite le vigneron qui choisit de produire un vin sans sulfites ajoutés ou d’en utiliser pour s’assurer de la stabilité de sa cuvée dans le temps. Origine, santé, alternatives… Voici tout ce qu’il y a à savoir sur le sujet.

Pourquoi y a-t-il des sulfites dans le vin ?

Les sulfites sont des composés chimiques qui contiennent l’ion sulfite SO3 2-. Ils existent dans la nature, notamment comme polluants atmosphériques ou dans les aliments fermentés (SO2, H2SO3).

Les sulfites sont également d’excellents conservateursOn les ajoute lors de la production de certains aliments (plats conditionnés ou déshydratés, fruits secs, conserves, salades sous plastique…) pour leurs propriétés chimiques antioxydantes ou lors de la production de certains médicaments pour leurs propriétés antiseptiques. Dans la législation européenne, ils correspondent aux codes E 220 à E228.

Sulfites dans le vin : une présence naturelle

Sous-produits naturels du processus de fermentation, les sulfites sont présents dans tous les vinsLeur synthèse s’opère à partir des sulfates présents dans le moût. Cette formation de SO2 se limite souvent à quelques milligrammes par litre. La norme se situe autour de 30 à 50mg/L, et jusqu’à 150 à 200 mg/L en situations extrêmes. Ces variations sont dues à divers éléments :

  • sélection des levures
  • aération du moût
  • clarification du moût
  • chauffage du moût
  • carences en acides aminés soufrés (méthionine, cystéine)
  • carences en thiamine

La mention « contient des sulfites » est obligatoire pour tout vin dont la teneur en SO2 total est supérieure à 10 mg/L. Vous voyez donc que même naturellement, on est généralement déjà au-dessus de cette limite.

Est-ce que le vin bio contient des sulfites ?

Puisque les sulfites sont naturels, vous comprenez que le vin bio, le vin en biodynamie et le vin naturel en contiennent nécessairement, même en infime quantitéPour obtenir une dénomination « sans sulfites ajoutés », le vigneron doit alors respecter une réglementation européenne précise.

Mais attention au risque d’oxydation après achat ! Car ces vins sans soufre ajouté s’avèrent souvent (mais pas systématiquement) plus fragiles une fois en bouteille.

Rôle des sulfites dans la production du vin

« L’utilisation du SO2 s’est généralisée depuis le 18e siècle.

Aucun produit n’est à ce jour (2023) en mesure de la remplacer totalement. »

Les sulfites jouent un rôle important dans la vinification. Leur qualité antioxydante aide à préserver la fraîcheur et la saveur du vin, empêchant le vin de tourner au vinaigre. Leur qualité antiseptique est essentielle pour maintenir l'intégrité du vin. Car c’est un produit chimiquement instable, susceptible d'héberger une multitude de bactéries et de levures qui peuvent engendrer une altération irréversible.

En règle général, les viticulteurs ont recours au sulfitage à différentes étapes de la vinification pour protéger la récolte et le jus de l’oxydation :

  • directement sur les raisins lors de la vendange
  • dans le pressoir
  • lors de la fermentation
  • après soutirage
  • avant la mise en bouteille

Les formes de produits œnologiques pour le sulfitage sont variées. Il peut s’agir :

  • d’une solution solide : mèches et pastilles dans les fûts de chêne
  • d’une solution liquide : solution sulfureuse, bisulfite de potassium, bisulfite d’ammonium
  • d’une solution gazeuse liquéfiée : SO2 moléculaire sous forme liquide

Le dioxyde de soufre utilisé comme additif provient essentiellement de l’industrie du pétrole, et en petite proportion de source volcanique. C’est à ce jour un produit au large spectre d’action, facile d’utilisation et peu cher à produire.

Sulfitage : une réglementation européenne stricte

Attention à ne pas croire que les vignerons d’aujourd’hui sulfiteraient n’importe comment. Car tout sulfitage a une incidence sur les processus de vinification, l’élevage ou encore le goût du vin. Les vins très sulfités sont aisément identifiables : ils dégagent des arômes soufrés très caractéristiques (et très désagréables). Et cela dénature considérablement l’expression aromatique des vins.

« Le ou la vigneronne, qui vit avant tout de la vente de ses bouteilles,

n’a donc aucun intérêt à sulfiter à l’excès. »

En plus, tout ajout de SO2 vient augmenter ce que l’on appelle la quantité de SO2 total (SO2 libre + SO2 combiné). Et pour être autorisé à commercialiser son vin, le viticulteur ne peut dépasser un certain seuil, confirmé par analyse en laboratoire.

La réglementation européenne impose des limites maximales de teneur par type de vin :

  • Crémants : 150 mg/L
  • Mousseux : 235 mg/L
  • Mousseux de qualité : 185 mg/L
  • Vins blancs et rosés : 200 mg/L
  • Vins blancs et rosés (glucose + fructose > 5g/L) : 250 mg/L
  • Vins rouges : 150 mg/L
  • Vins rouges (glucose + fructose > 5 g/L) : 200 mg/L
  • Vins de liqueur (sucre < 5 g/L) : 150 mg/L
  • Vins de liqueur (sucre > 5 g/L) : 200 mg/L

Pour les vins biologiques, les valeurs doivent être inférieures à celles des vins conventionnels :

  • 30 mg/L pour les vins avec plus de 2 g/L glucose + fructose
  • 50 mg/L pour tout autre vin

Ce sont les seuils européens en vigueur depuis 2005. Cela veut dire qu’à un niveau plus local, chartes, réglementations, appellations d’origine protégées ou même convictions personnelles du vigneron peuvent être plus restrictives.

Ayons toutefois une petite pensée pour tous les « grands vins du 20e siècle », admirés pour leur étonnante longévité, ces vieux vins que l’on croit souvent meilleurs C’était bien avant 2005 et les limites protectrices pour la santé du consommateur.

Les sulfites sont-ils dangereux pour la santé ?

L’état actuel des recherches ne permet pas encore de statuer sur un réel dangerimmédiat ou à long terme, lié aux sulfites. L’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire estime qu’il s’agit toujours d’additifs sûrs pour la consommation.

Mais il est vrai que certaines personnes y sont plus sensibles que d’autres, avec des possibilités de réaction inflammatoire liée à une intolérance. Elle peut se traduire par des écoulements de nez, des éternuements, des démangeaisons, de l'urticaire, des douleurs abdominales, voire des symptômes plus graves. Ces cas sont heureusement très rares.

Les sulfites peuvent aussi aggraver certains symptômes de l’asthme chez 3 à 10 % des concernés, ou chez les personne souffrant du syndrome de Fernand-Widal. Beaucoup de gens leur accordent aussi la propriété de donner des maux de tête, ce qui n’est pas vraicontrairement à d’autres composés du vin.

Toutefois, en réponse à l’inquiétude grandissante des consommateurs, de nombreuses études scientifiques ont déjà permis d’avancer sur le chemin de la réduction, voire de la substitution des sulfites dans le vinDe plus en plus, les vignerons intègrent différents leviers pour réduire le recours aux intrants sulfureux :

  • amélioration de l’état sanitaire de la récolte
  • raisonnement de l’itinéraire d’élaboration du vin dans son ensemble (pratiques, hygiène)
  • optimisation de l’emploi du SO2 ajouté
  • utilisation de gaz neutres et de gaz dissous (azote, CO2, argon)
  • emploi d’intrants œnologiques anti-oxydants (tanins, glutathion, chitosane, bioprotection…)
  • procédés pour contrôler l’action des micro-organismes (filtration, centrifugation, UV-C, pasteurisation…)
  • procédés visant à réduire la teneur en oxygène au moment du conditionnement

Êtes-vous prêt·e pour les vins sans sulfites ajoutés ?

La viticulture avance donc petit à petit vers la substitution des sulfites ajoutés. Et l’évolution du climat dans tous les vignobles pourrait aussi entraîner des changements dans les usages. Mais cette production est freinée par un élément non négligeable : les consommateurs eux-mêmes.

Car un vin sans sulfites ajoutés (bio, biodynamique, nature…), c’est un vin moins stable dans le temps, avec des arômes différents, des possibilités de goûts déviants, ou auxquels on ne s’attend pas. Autrement dit : moins de contrôle. Et cela veut dire que nous devrons certainement apprendre à « mettre de l’eau dans notre vin » pour accepter qu’un vin ne soit plus parfait, en tout cas comme au temps des sulfites.

Êtes-vous prêt·e à boire ce type de produits ? Avez-vous déjà commencé une transition ? Faites-m’en part en commentaire, je suis curieux de voir comment vous envisagez cette adaptation à votre niveau !

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